Souvenirs brûlés

« Mais l´incendie là-bas fait rage

Et le ciel est noir de fumée

Et tous les gens dans les étages

Se dis´nt : « Mais que font les pompiers? » »

Sacha Distel – L’incendie à Rio

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Une maison d’enfance, c’est rempli de souvenirs, de mots tendres, d’odeurs, de sons et de lumière. Elle vous rappelle à elle dès qu’elle vous sent perdu, on ne sait trop comment ni par quel moyen, mais elle le sait parfois mieux que vous. Et puis, un jour, un malheur se produit et on vous l’enlève…

Cher ami lecteur, cet article est très personnel et ne suit pas le canevas habituel. Je n’ai pas voulu vous donner la définition d’un incendie sur Wikipédia. Quant à la mienne… si vous décidez de poursuivre, vous la découvrirez bien assez tôt. Elle est noire, comme la suie laissant ses traînées sur les murs blancs. Promis, le prochain article sera beaucoup plus gai.

Histoire de la prise de vue

« – Je cherche une vieille maison, un peu abandonnée pour tourner les images de mon prochain film.

  • Ah bah ça te dit notre maison familiale ? Elle a brûlé…
  • Oh oui trop bien ! Euh… enfin, on s’est comprises !»

Et pendant qu’elle filmait, moi je photographiais. D’abord les fleurs du jardin en mode macro, exposées dans mon précédent article sur le cadrage. Puis la maison dans son ensemble de l’extérieur, les pièces à l’intérieur, et ensuite des détails. Tous ces petits détails qui marquent une habitation, qui la rendent si unique. Une tapisserie déchirée, un bouton de porte qui grince et laisse entendre que vous vous éclipsez, des photos au mur, un parquet qui craque sous vos pas ou un carrelage branlant. Tous ces détails qui illustrent vos souvenirs.

Vous croyez qu’elle sera toujours là, éternelle. Qu’elle restera votre refuge, votre sanctuaire. Celle où vous veniez passer les vacances de Pâques, où vous vous imaginiez endosser la peau de vos héros d’enfance, où vous ramassiez les caracoles, où vous veniez étudier pendant votre blocus, où vous avez écouté les vieilles histoires encore et encore sans vous en lasser, où vous avez autant ri que pleuré…

Et un jour, la réalité vous rattrape. Brutale, sèche, tel un coup de matraque derrière l’oreille pendant que vous étiez en train de parlementer pour rétablir l’ordre dans la manifestation (hem… j’ignore où je vais chercher ces métaphores !). Un appel en absence sur votre téléphone, un cri sur la messagerie, et c’est un univers entier qui s’écroule.

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L’incendie

Lors d’une froide nuit de décembre, lorsque tout le monde était endormi. Ils étaient deux, ou trois selon les versions, ils avaient repéré les lieux, ils pensaient y trouver de l’argent. Frustrés ? Dérangés ? Ou complètement fous à lier.. ? Chiens, voiture, vaisselle sale, tout permettait d’identifier que la maison était occupée, qu’elles dormaient à l’étage. Mais les alarmes incendies ont été volontairement débranchées, et dix foyers ont été allumés…

La maison est grande, heureusement. L’alarme de l’étage a pu retentir, réveillant une partie. Mais le feux déjà grandissait, les flammes montaient à travers la cage d’escalier, la fumée partait vers le toit, les rideaux brûlaient, les moulures fondaient,… Pompiers alertés, rapides, efficaces, humains et compréhensifs. Des gens extraordinaires qu’on ne remercie jamais assez.

Chiens sauvés, habitantes gravement brûlées, profondément choquées. Et la maison ? Traumatisée.

Où sont mes souvenirs ? Où sont les rires ? Les éclats de voix ? La télé en sourdine, les bûches craquantes du feu ouvert, les cuillères dans les casseroles, les chants des mésanges du jardin ? Plus rien. Le silence, la suie, l’odeur,… tout est métamorphosé. Même si on garde, de ci, de là, des éléments intactes, l’ambiance devenue glauque vous prend aux tripes de manière incontrôlée. Vous vivez un deuil.

Et de ce deuil il faut se relever. Alors on immortalise ce qui peut sembler anodin mais qui doit rester graver pour contribuer aux souvenirs des bons moments. Ce sont ceux-là qui resteront, qui vous redonneront le sourire, vous apporteront la chaleur de vos moments nostalgiques. Là où elle n’est plus, où elle ne peut plus vous accueillir, il vous restera toujours les images.

A propos Stéphanie Van Lembergen

Photographe amatrice depuis l'âge de 14 ans. Passionnée de nature et de grands espaces depuis toujours. La macro et le portrait sont les nouveaux venus. Une envie irrésistible de prendre le matos et de partir à la recherche d'un détail, d'un recoin, d'un sourire, d'un moment,... Plus rien n'existe, seule l'image persiste. Techniquement: Canon 7D avec lens Sigma 18-35mm f/1.8 et lens Canon 100mm Macro série L f/2.8
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